10/09/1961
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En ce moment, il y a trêve dans la bataille pour l’évacuation de Bizerte. Ainsi en a décidé le Président Bourguiba à l’étonnement du monde entier. Après l’éclatante victoire de la Tunisie à l’Assemblée Générale des Nations-Unies, après la participation de la Tunisie à la Conférence de Belgrade et surtout après la conférence de presse du général de Gaulle, personne ne s’attendait à une telle décision.
Dr.BEN SLIMAN, Tribune du Progrès N°10, septembre 1961
En ce moment,
il y a trêve dans la bataille pour l’évacuation de Bizerte. Ainsi en a décidé
le Président Bourguiba à l’étonnement du monde entier. Après l’éclatante
victoire de la Tunisie
à l’Assemblée Générale des Nations-Unies, après la participation de la Tunisie à la Conférence de Belgrade
et surtout après la conférence de presse du général de Gaulle, personne ne
s’attendait à une telle décision.
Cependant la
crise de Bizerte a déjà porté ses fruits. C’est l’un des événements de ces dernières
années qui ont divisé le monde en 2 camps : le camp impérialiste qui, dans
le cas de Bizerte est représenté d’abord par la France, soutenue par le
monde occidental ayant à sa tête les Etats-Unis et le camp anti-impérialiste
représenté sur le front de Bizerte par la Tunisie soutenue par l’Afrique, l’Asie, les Etats
socialistes et toutes les forces populaires d’Amérique Latine et d’Europe.
Avant la
bataille de Bizerte, la situation politique était peu claire. Il est vrai que la Tunisie a toujours réclamé
à la France l’évacuation
de son territoire. A différentes reprises, le gouvernement tunisien, par la voie
diplomatique, a proposé au gouvernement français l’ouverture de négociations
pour le retrait des troupes françaises. Cependant la mobilisation des masses
populaires pour appuyer une telle revendication a été à maintes reprises
écartée pour des raisons différentes. Une politique tunisienne de non-engagement
toutefois favorable à l’Occident et l’espoir de voir de Gaulle résoudre le problème
algérien ont fait reculer l’échéance de la crise de Bizerte. La conception politique
tunisienne basée sur un Occident capable d’aider à la décolonisation et d’une France
gaulliste capable de résoudre le conflit algérien, et qu’il faut aider contre
les ultras, n’a pas porté ses fruits. D’ailleurs les Tunisiens ne sont pas à
leur première déception. Notre mouvement de libération nationale avait compté
sur l’aide des Etats-Unis dans sa lutte pour
l’indépendance. Des raisons d’efficacité étaient invoquées par nos
dirigeants. Et quand le soutien apporté
à la France
par les Occidentaux dans sa lutte contre le mouvement de libération nationale
était patent, on se rabattait sur les interventions plus ou moins discrètes et
amicales de ces derniers auprès de la France.
Pourquoi cet
entêtement dans la recherche de l’appui du monde occidental ? Parce que nos
dirigeants répugnaient à l’alliance avec le monde socialiste pour lequel ils
éprouvaient une certaine méfiance et parce qu’ils ne croyaient pas beaucoup à
la force et à l’efficacité de l’appui du tiers monde.
Mais la
succession des événements et la marche de
l’histoire ont balayé tous ces raisonnements et toutes ces précautions.
Déjà pendant la bataille de la libération nationale 1951-1956 au moment où le monde occidental appuyait
la France par
son argent, sa politique et sa diplomatie à l’O.N.U. à l’OT.A.N., des peuples
du tiers-monde-Vietnamiens, Marocains et Algériens - assénaient des coups
répétés au colonialisme français. Et ce n’est pas par hasard que Dien Bien Phu
a coïncidé avec l’apparition du maquis tunisien. A l’autre extrémité du
Maghreb, nos frères marocains harcelaient les colonialiste et l’Algérie après une
crise salutaire a vu surgir la plus grande révolution sur la terre d’Afrique,
révolution qui a sonné le glas de l’ère coloniale sur le continent noir.
Si en ce qui concerne
l’appui extérieur, il y avait certaine divergence, par contre sur le front national
une unité indestructible a toujours uni le peuple, du dirigeant au simple
citoyen.
Après
l’indépendance, cette alliance avec le tiers-monde, le camp socialiste et les
forces populaires, imposée par les faits, a été progressivement écartée de
nouveau, un rapprochement avec le monde occidental -- malgré son soutien au colonialisme -- s’est opéré dans la politique
tunisienne. Ce rapprochement a, parfois, poussé la Tunisie à s’allier à des organisations créées principalement pour
lutter contre le communisme telle que la Confédération
Internationale des Syndicats Libres (C.I.S.L) à s’éloigner
des Etats Africains révolutionnaire et à se rapprocher des Etats de la
communauté, à émettre à l’O.N.U des votes favorables à l’Occident et
dernièrement à combattre l’unité syndicale africaine.
Cette
politique ne pouvait pas durer d’abord parce qu’elle avait échoué, ensuite,
parce qu’elle tournait le dos à la marche de l’histoire et parce que la guerre
d’Algérie et les événements dans toute 1’Afrique ne pouvaient pas ne pas exercer
leur influence sur l’opinion publique tunisienne. Et la crise de Bizerte révéla
l’échec éclatant de la politique pro-occidentale. Elle permit au peuple
tunisien de se retrouver au sein de ses vrais amis et alliés. Elle a permis
aussi de démasquer les faux amis avec à leur tête les Etats-Unis. Elle a mis fin
aux illusions sur la décolonisation du
général de Gaulle.
Aujourd’hui,
c’est la trêve, mais le colonialisme français peut être certain que le peuple tunisien,
comme d’habitude, reprendra la lutte pour chasser le dernier soldat étranger de
son sol, aidé par ses puissants amis et alliés.