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EDITORIAL

02/01/1961 Article en PDF téléchargeable


Par ses manifestations populaires du mois de décembre et qui continuent actuellement, le peuple algérien a étonné et surpris le monde. Etonné, le monde par cet assaut impétueux des foules descendues de leurs quartiers populaires vers les grandes avenues.


Dr.BEN SLIMANE, Tribune du Progrès N°2, janvier 1961

 

Par ses manifestations populaires du mois de décembre et qui continuent actuellement, le peuple algérien a étonné et surpris le monde.

 

Etonné, le monde par cet assaut impétueux des foules descendues de leurs quartiers populaires vers les grandes avenues.

 

Les colonialistes et beaucoup d’autres ne s’attendaient pas à ces événements; ils croyaient que la répression dans les villes avait décimé les patriotes, que la lassitude avait gagné la population civile et que la rue était devenue le fief des ultras et de leurs troupes.

 

Tous les amis et alliés du peuple algérien ont été agréablement surpris par ce retour des masses à l’agitation, parce qu’il révèle leur inépuisable vitalité de lutte.

 

Ces événements viennent attester les progrès considérables enregistrés par la Révolution algérienne grâce à sa résistance acharnée depuis six ans, à la solidarité de plus en plus agissante de tous les peuples, à l’échec et au recul des adversaires de l’indépendance algérienne, à la dénonciation de l’O.T.A.N. et des autres alliés des colonialistes.

 

Mêlée à ses aînés, la jeunesse algérienne et toutes les autres forces de résistance ont reconquis la rue autrefois réservée aux ultras et à leurs amis.

 

Le caractère nouveau et émouvant de ces journées historiques, c’est la participation en masse des filles et des garçons d’Algérie. Les photos publiées par les journaux du monde entier montrent des scènes semblables aux fresques entrées dans l’histoire des révolutions.

 

Et de Rabat à Tripoli, de Rome à Ankara, de la Havane à Porto Rico, le monde entier a été remué et secoué. La jeunesse est sortie dans la rue pour crier sa colère et manifester sa solidarité.

 

Seul Tunis est resté muet, continuant son petit train-train de vie. Où est le Tunis des événements du Djellaz, des 5 et 9 Avril, du 1er Juin, des journées de Sakiet et de la bombe atomique ? Tunis continuait à vaquer à ses affaires alors que chez les frères et voisins il y avait la fête et le deuil, la joie et la tristesse. Est-ce que Tunis a perdu sa sensibilité et son esprit de solidarité ? Non ! Tunis a seulement pris l’habitude de bouger quand il est mobilisé par ses dirigeants.

 

Jusqu’à Sakiet, nous étions les champions de la fraternité et de la solidarité avec nos frères algériens, nos morts étaient mêlés à la frontière. C’était notre grande fierté, la fierté de ceux qui participent à la lutte gigantesque pour arracher l’Afrique à l’esclavage colonial. Et cela jusqu’à Sakiet, devenu symbole de par le monde entier, de la solidarité des peuples algérien et tunisien, symbole aussi de la barbarie du militarisme français.

 

Après Sakiet... Ce fut une longue période de fluctuations.

 

Dernièrement, le Président Bourguiba par son discours de Kairouan, fit renaître l’espoir dans tous les cœurs du Maghreb. Malheureusement le discours de Sousse a déçu cet espoir et nous voilà revenus aux fluctuations qui nous laissent loin du bond en avant réalisé par la Révolution algérienne.