Dr.BEN SLIMANE
Tribune du Progrès N°7, juin 1961
La conférence d’Evian vient d’être interrompue sur l’initiative des délégués français et contre le désir des délégués algériens de poursuivre la discussion. Les questions de désaccord sont le Sahara et les garanties à la minorité européenne, c’est-à- dire l’intégrité du territoire et l’intégrité de la souveraineté.
Quelle a été
pendant ces heures difficiles l’attitude des pays africains limitrophes du
Sahara? Dans l’ensemble la solidarité avec le G.P.R.A. a été satisfaisante
malgré des variations regrettables.
Des prises de
position et des déclarations qui gênent les négociateurs algériens. D’abord
l’histoire du Sahara « mer intérieure qui doit profiter aux riverains ».
C’est une trouvaille à de Gaulle pour amputer l’Algérie des 4/5 de son
territoire. Dans aucun continent et en terre ferme il n’y a de mer intérieure.
Les Etats se touchent par leurs frontières communes. Ou le Sahara fait partie
de l’Algérie ou c’est un autre Etat en gestation qui permettra à
Telles étaient les données du problème saharien quand est venu s’y ajouter le silence du communiqué tuniso-malien sur la revendication de l’intégrité du territoire présentée par la délégation algérienne à Evian. Ce silence a été exploité par les Français contre nos frères algériens. Dans le communiqué tuniso-malien il était juste de souligner le caractère africain du Sahara, mais les circonstances politiques, la solidarité, la controverse entre Français et Algériens, tout cela rendait nécessaire un appui sans équivoque à la thèse algérienne. Les Tunisiens et tous les Africains attendaient des présidents Bourguiba et Modibo Keita un appui à la revendication algérienne sur l’intégrité du territoire à un moment crucial des négociations d’Evian.
Pourquoi en sommes-nous là, Algériens et Tunisiens ? Parce qu’il y a probablement une mauvaise coordination entre les responsables tunisiens et algériens. Ce n’est pas leurs désaccords qui nous étonnent ou nous irritent. C’est plutôt que dans des circonstances comme celles que nous vivons et qui décident de l’avenir de l’Algérie et du Maghreb, ils n’aient pas pris la précaution de réduire au minimum leurs divergences. Divergences qu’exploite l’adversaire pour élargir plus encore le fossé qui nous sépare.
Cette situation regrettable peut-elle être redressée? Elle doit l’être parce que nos frères algériens, retour d’Evian, adressent un vibrant appel à tous les peuples africains pour serrer les rangs autour de l’Algérie meurtrie qui aspire à la paix.
Pour ce qui nous concerne, nous demandons aux dirigeants et responsables algériens et tunisiens de discuter fermement et démocratiquement afin de réduire leurs divergences. Qu’ils discutent au sommet, sinon le pacte de Tanger permet la rencontre et la discussion au niveau des militants.